(Commentaire) Il multiplie les annonces et déclarations impressionnantes. Donald Trump, fin stratège ou dirigeant extravagant ?
Par Nadjib TOUAIBIAPublié le
Son arrivée au pouvoir laissait présager des débordements spectaculaires, mais Donald Trump a été encore plus surprenant avec une cascade d’annonces et de décisions pour le moins déroutantes. Est-ce un fin stratège qui manipule l'opinion publique en semant le chaos ou un dirigeant extravagant, imprévisible et dangereux ? Un regard sur son premier mois au pouvoir illustre ce dilemme.
Dès son retour, Trump a adopté une stratégie de gouvernance qui repose sur des déclarations fracassantes et des décisions chocs. En frappant de la sorte, très fort, il est parvenu vite à dominer l’actualité, à polariser toute l’attention des médias, à déstabiliser les observateurs et à tétaniser les dirigeants étrangers, et plus particulièrement les européens surpris qu’il leur fausse compagnie, tourne subitement le dos à l’alliance traditionnelle, brise ce ciment du monde occidental.
Au plan international, le premier mois de Donald Trump est comme un ouragan : droits de douanes menaçants bien que différés, provocations envers des partenaires historiques comme le Canada, volonté de transformer Gaza en une « Côte d'Azur » du Moyen-Orient et négociations de la fin de la guerre en Ukraine avec la Russie, en excluant Kiev et l’Union européenne, attaque verbale contre le président ukrainien, qualifié de "dictateur ".
À l'intérieur du pays, Trump a provoqué un séisme en gelant 3 000 milliards de dollars de financements publics. Les fonctionnaires, victimes de licenciements massifs, décrivent une administration qui applique son programme sans tenir compte des normes légales, la fonction publique est quasiment paralysée.
L’opinion est comme sonnée
Pourtant, malgré le chaos apparent, la réaction de la population reste étonnamment modérée. Les manifestations contre les décisions de Trump ne prennent pas l'ampleur espérée, et les figures de l'opposition démocrate peinent à trouver leur voix. Les électeurs de Trump semblent, quant à eux, en majorité satisfaits. En fait, l’un dans l’autre, l’opinion est plutôt comme sonnée.
Quant aux médias, ils se trouvent inondés. Le rythme effréné des annonces crée un effet de saturation. Le Washington Post, le Guardian, et même les animateurs populaires des Late Shows expriment leur difficulté à traiter un tel volume d'informations, chaque décision pouvant potentiellement mériter sa propre couverture extensive.
Ezra Klein, un éditorialiste du New York Times, défend l'idée d'une stratégie de « sidération » qui masque en réalité une faiblesse : la crainte d'un blocage au Congrès et la montée des résistances locales. Selon lui, malgré sa façade de contrôle absolu, Trump est de plus en plus confronté à des obstacles significatifs, tant juridiques que civiques.
Un régime totalitaire sur fond de libéralisme
Parallèlement, nombre de décisions commencent à nourrir les craintes d’un régime totalitaire sur fond de libéralisme. Le lien étroit entre Trump et des figures influentes comme Elon Musk est source d’appréhension. On voit venir une privatisation rampante et une réduction drastique des services publics. La décision de licencier en masse à l'Agence américaine pour le développement international (USAID) suscite des inquiétudes humanitaires à l'échelle mondiale, notamment en Afrique.
Dans le même esprit, la remise en question de l'Éducation nationale, avec des décrets visant à orienter les programmes scolaires et censurer certains contenus jugés "woke", révèle une volonté pour contrôler l'information à l'avenir. Dans un contexte où les livres deviennent un champ de bataille culturel, cette censure inquiète au même titre que les décisions économiques ou géopolitiques.
Le cow-boy installé à la Maison Blanche est-il finalement un fin stratège ou un dirigeant extravagant ? On est tenté de répondre ni l’un ni l’autre. Il est difficile de trancher au premier mois de sa gouvernance. En revanche, on peut d’ores et déjà dire, sans se tromper, que le 47ème président des États-Unis, qui porte des coups à la Démocratie, exclu des minorités, blinde son pouvoir et s’entoure de milliardaires, présente bel et bien le profil d’un fasciste d’un nouveau genre.